Mon pote le prof Kleenex ne m’a pas rappelé. Et ça ne m’a pas étonné, ce n’est pas un type qui s’épanche. D’ailleurs il avait dû estimer m’en avoir assez dit comme cela. Il n’a pas sauté d’en haut du rectorat, du moins je ne crois pas. Les journaux l’auraient raconté. Mais ce matin, en sortant vers sept heures, j’ai levé le nez vers le ciel et à sa robe d’un brun ocre, j’ai tout de suite repéré une hirondelle de roche. Elle semblait se reposer sur le haut d’un volet ouvert au deuxième étage. Et puis elle a basculé, presque sans bouger les ailes. Elle est tombée dans les herbes folles que je laisse croître au pied du mur Est de la maison. Je l’ai prise dans mes mains, elle était encore en vie mais du sang coulait de son flanc. Quelques grains de rubis dans le duvet gris pâle sous l’aile. Elle est morte dans mes mains.
D’où provenait cette blessure ? Mystère. La petite hirondelle me regardait en mourant. Comme rassurée. Je l’ai enterrée dans un trou profond au pied d’un noisetier touffu. Et puis j’ai regardé le ciel à nouveau. D’autres faux brunes vibraient dans le ciel bleu, esquivaient au dernier moment la haute façade rose délavé de ma maison puis venaient en sifflant me frôler le visage. Cinq minutes au moins de cette stridente vibration.
Et un souvenir ancien est venu crever la surface de ma conscience. Mon ami le prof Kleenex m’avait confié lors d’une de nos interminables discussions nocturnes que son deuxième prénom, son « nom caché » en quelque sorte, était Gwennel[1].
Évidemment.
[1] Là, bien sûr, il est nécessaire d’avoir quelques bases en Breton, mais vous n’avez qu’à fouiller sur internet, vous trouverez…
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