Les Possédés de la Pleine Lune paru aux éditions du Seuil (1987) de J.C. Fignolé
C’est le roman d’une quête, et d’une lutte titanesque. En quête du plus simple bonheur, Agénor, pêcheur du village des Abricots, rentre en lutte ouverte contre un animal fabuleux, une savale aux allures de sirène et aux pouvoirs magiques. Cette lutte devient son unique but dans la vie: le bonheur se cache derrière cette victoire sans cesse repoussée. Cette quête s’exerce de nuit, et si la pleine lune n’arrange rien en troublant le corps des femmes et l’esprit des hommes, un être mythique, une hydre omnipotente règne par la terreur sur ce Lerne-Landernau, déchaînant son terrible droit de vie ou de mort sur le pauvre ramassis de cette fourmilière humaine qu’est le village des Abricots. La «bête à sept têtes» s’engraisse du malheur des habitants. Les êtres se désarticulent, se décharnent comme ce Raoul, personnage fugace qui n’est présent que pour un quart de sa personne, les trois autres quarts, eux aussi objets d’une quête parallèle, familiale et amicale, ont été «égarés» par la bête immonde!
Violetta, jeune fille idéale et désirable, n’agit qu’en fonction des mythes qu’elle génère et colporte à la fois, aquatique et lunaire, femelle innocemment provocante, offrant son corps à l’eau, femme fertile. Eau dans laquelle, harpon en main, chasse Agénor en quête de savale.
Louiortesse (pour lui, «ce n’est qu’un jeu») est encore amoureux de la sage Saintmilia, celle qui a, depuis toujours, choisi Agénor et son délire ichtyoïde. Saintmilia, elle, traverse les rêves, les cauchemars, les folies avec le poids terrible de sa maternité saccagée. Elle est pourtant le pilier, l’amer, le phare de ces hommes hallucinés.
Rosita, femme-enfant à la sexualité débordante, aiguillonnée par la pleine lune, se cherche un père. Toutes les femmes, magiquement liées par le sang lunaire, offrent leur épaule, leur rire, leur ventre, tout leur corps pour ramener les hommes des pays de rêves où ils s’égarent et s’engluent. Dans la pérennité du temps de l’hydre qui officie, sanguinaire, sous la bénédiction de l’Église...
C’est une grand-mère, multiple, éternelle, à la fois témoin des temps et tenante des traditions orales, qui ravaude le patchwork fuyant des biographies entrelacées, ces tissus brodés d’histoires colportées, ces chroniques infimes d’hommes et de femmes, fétus de l’Histoire.
Le village des Abricots s’épanouit secrètement à la taille de l’Univers.
MORBRAZ
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire