samedi 9 janvier 2010

Les rayures du Ciel









Vous allez peut-être trouver ces images belles. Je ne les mets pourtant pas ici dans ce but. Quand je lève les yeux vers le ciel au-dessus de ma maison, tout au bord du parc du Mercantour, je m’attends au bleu intense, parfois électrique, des ciels de montagne. Mais cela devient chaque jour plus difficile d’embrasser d’un coup ce bleu saphir.

Des avions déchirent le rideau bleu de dizaines de traînées fumeuses, traçant dans la virginité du ciel, des ratures obliques, turgescentes, qui fondent lentement en se confondant. On dirait que le ciel veut cracher… ou vomir. Le ciel est tout sale en quelques minutes et il n’y a rien à faire. Juste regarder par terre. J’aime le vert, ça va. Mais je préfère le bleu. C’est comme ça. Et je pense aux petits êtres humains serrés dans ces carlingues salissantes, ils vont en Afrique du Nord acheter des choses moins cher que dans leurs pays respectifs, pour se faire refaire le nez, les seins, les dents, enfin, tout ce qui foire dans ce corps qu’ils rêvent d’avoir et qu’ils n’auront jamais… ça ne fait rien, ils vont changer des bouts, ce sera toujours ça de gagné pour leur minuscule ego minable. Comme leur reflet dans la glace. D’autres sont là-haut pour des raisons peu avouables. Tous ont en commun une chose : ne pas payer au prix réel quelque chose qui vaut beaucoup.

Voyager se mérite. Aller à la rencontre de l’Autre se mérite. Il y faut des efforts de volonté, d’humilité, de curiosité, et même des efforts financiers. De nos jours, n’importe qui saute dans un avion pour quarante ou cinquante euros. Des tonnes d’oxygène brûlées, des tonnes de carbone générées.

Un jour, si ça se trouve, quelqu’un, un fou sans doute, mais qui sait ?, qui aura trouvé par terre un long tube avec un viseur, mettra fin à la jolie trajectoire blanche écumante en appuyant sur le petit bouton rouge. Juste pour rire. Comme un point à la ligne. Et il recommencera le lendemain, puis le lendemain, puis plusieurs fois par jour, parce que, finalement, regarder le bleu intact du ciel sera devenu une passion pour lui et que des tubes avec le bouton rouge, il y en plein partout…

Je le remercie d’avance même si c’est un rêve. Et je regarderai en l’air quand soufflera le mistral. Mais pensez-y la prochaine fois que vous prendrez l’avion, pensez qu’en bas, tout en bas, dans la belle herbe ou sur le sable pur du désert, il existe un poète qui vous vise parce que vous lui salopez son ciel…












MORBRAZ (texte & photos)

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