mardi 12 janvier 2010

Duvalier-Papa Doc et ses Tontons-Macoutes


Papa doc et les tontons macoutes, la vérité sur Haïti,

de Bernard Diederich et Al Burt aux éditions Deschamps (Port au Prince)1986, (traduit de l’états-unien par Henri Drevet et préface de Graham Greene, lui-même auteur d’un roman sur cette période : Les comédiens)

Titre original : Papa Doc, the truth about Haiti today, McGraw-Hill Book Company, 1969.


Note perso : les auteurs sont des journalistes, Bernard Diederich a passé quatorze ans en Haïti, il a été arrêté le 27 avril 1963 et expulsé. Al Burt est plus un témoin de l’ombre.


Il s’agit d’un livre témoignage de 400 pages, avec un cahier photo NB central intéressant. Notons l’inquiétante couverture avec la quatrième (c'est la raison de la photo du livre ouvert en haut de cet article...), œuvre d’un certain Dodard, très réussie, en accord parfait avec le sujet traité à la manière des auteurs, c’est à dire avec un certain recul, qui détache l’horreur des situations en la masquant d’un certain humour forcément noir… Il y a toutefois un léger problème dû à la traduction souvent lourde et même fautive du moins dans son énonciation dans un français parfois approximatif. On y découvre lentement le cheminement de Duvalier, son effrayant machiavélisme, ses décisions subites de nettoyage politique, frappant même ses plus proches et sincères collaborateurs, cette solitude schizophrénique du pouvoir absolu et l’on comprend surtout une chose : sans l’aide efficace des États-Unis, Duvalier n’aurait jamais pu tenir, or ce qui a fait cette étonnante longévité, c’est la mise en avant d’une seule idée : Duvalier est le rempart efficace contre le communisme. Qu’il soit un tyran n’entre aucunement en ligne de compte, il faut l’aider. Dans le cas contraire, Haïti va tomber entre les mains des communistes et la situation politique sera dure à tenir car l’édifice est fragile… c’est aussi la raison de l’aide massive des états-uniens à un autre tyran, celui-là dans l’autre morceau de l’île, Trujillo, en Dominicanie… Duvalier sera donc aidé, en sous-main, certes, mais très aidé. Il aura même l’appui, vers la fin de son règne, de l’ambassadeur US en personne, Clinton Knox, noir, appelé en Haïti, et ce n’est pas dit dans ce livre, « Tonton Macoute Number One »… c’est tout dire. Le résultat effrayant en soi, c’est qu’au départ de Baby-Doc mettant fin à 29 années de duvaliérisme, une grosse partie de l’argent de l’aide internationale s’évadera avec sa famille. Avec la bénédiction des grandes puissances… Ce témoignage solide met en évidence beaucoup de faits isolés, les reliant entre eux, et en montre enfin l’importance : on pourrait parler ici par exemple de la rivalité artistique mais surtout politique entre René Depestre et Jacques StephencAlexis (p.331) lorsque les auteurs analysent l’histoire chaotique des diverses formations communistes. Un éclairage intéressant appuyé par des anecdotes rassemblées en un tout enfin lisible. Même si cette étude est fort subjective, (on peut considérer que l’abondance de témoignages [p.65 par exemple] nuit parfois à la lecture et même embrouille le lecteur) certains faits demeurent indéniables.

L’ensemble donne l’impression d’un travail patient et bien construit. C’est à l’évidence un ouvrage majeur pour une bonne connaissance du dossier haïtien. Même s’il est dépassé aujourd’hui puisque le duvaliérisme a vécu… mais l’expérience encore récente de Titid et ses « chimères » donne à réfléchir sur la malédiction du pouvoir en Haïti…

MORBRAZ

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